Les effectifs en protection et contrôle des postes : Un travail de longue haleine
Lors de la récente table ronde « Pulse of the Industry », organisée dans le cadre du séminaire sur la protection 2025, une chose est ressortie clairement : nous sommes encore en plein travail pour constituer les équipes qualifiées dont nous avons besoin. Les échanges ont été ouverts, parfois incisifs, mais toujours pertinents. Il en est ressorti l’image d’un secteur aux prises avec des changements générationnels, des technologies en constante évolution et le besoin urgent de transférer les connaissances avant qu’elles ne disparaissent de l’entreprise.
Recruter et fidéliser les talents
L’une des préoccupations soulevées concerne la difficulté à attirer de nouveaux talents tout en valorisant l’expérience des professionnels en poste.
« Nous devons investir des sommes importantes pour attirer les candidats, tout en leur offrant des salaires proches de ceux des professionnels expérimentés. De plus, vous formez des travailleurs qui, ensuite, mettent leurs compétences au service d’autres employeurs pour obtenir un meilleur salaire, ce qui peut sembler injuste envers ceux qui restent fidèles. »
Cette tension entre le recrutement et la fidélisation est un véritable fléau pour les entreprises qui font de la surenchère pour pourvoir les postes. Le coût est plus que financier, il est culturel. Les employés expérimentés ont le sentiment d’être négligés, tandis que la rotation des talents fragilise la cohésion de l’équipe et érode la mémoire collective.
Enseigner les bases
Plusieurs participants ont souligné l’importance de transmettre aux nouveaux techniciens les principes fondamentaux, en commençant par les équipements de relais d’origine.
« Ce n’est pas parce que vous avez retiré les relais électromécaniques du poste électrique qu’il faut les mettre au rebut. Gardez-les, économisez-les, utilisez-les pour le laboratoire de formation. »
« J’enseigne toujours le relais CO en premier… Tout ce qu’on trouve sur un relais à microprocesseur à surintensité – le réglage, la temporisation – tout ça vient du relais CO. Lorsqu’on le voit physiquement, il raconte bien mieux don histoire. »
Ces commentaires soulignent une réalité incontournable : il est essentiel de comprendre le « pourquoi » derrière le « quoi ». Un test validé par une coche verte n’a aucun sens si le technicien ne comprend pas ce qui se passe derrière.
Apprentissages et partage de connaissances
Une compagnie d’électricité a pris les devants en lançant un programme d’apprentissage en relais sur 4 ans, accrédité par le ministère du Travail :
« Nous pouvons recruter ces personnes dès leur sortie de l’université, même si elles n’ont pas encore l’expérience pratique que les techniciens de 30 ans ont acquise dans le cadre de leurs activités. »
Mais la véritable innovation ? Ils n’ont pas basculé les principaux techniciens en relais sur un rôle différent – la formation – qui les éloigne du terrain. Au contraire, ils ont intégré l’enseignement dans leur rôle de techniciens en relais :
« Nous ne les avons pas affectés à un rôle d’enseignant, nous ne les avons pas sortis de leur rôle. Ils intègrent cela à leur journée de huit heures. Ce sont toujours des techniciens, mais ils transmettent leur savoir. Les techniciens se succèdent tout au long du mois et partagent volontiers leur savoir-faire… c’est là leur plus belle réussite. »
Ce modèle valorise l’expérience acquise tout en créant une réserve durable de nouveaux talents.
Changer la donne
Plusieurs ont souligné l’importance de repenser la manière dont le secteur se positionne, notamment auprès des étudiants.
« Je viens d’obtenir mon diplôme d’ingénieur en électrotechnique il y a un an. Je ne savais pas du tout que l’on pouvait travailler directement sur le terrain avec un diplôme en génie électrique, ce que j’ai toujours voulu faire. Et en plus, quand j’ai dit à mes camarades de promotion ce que j’allais faire, ils ont trouvé ça absurde. « Pourquoi voudriez-vous aller sur le terrain… vous avez décroché un diplôme ! » Je ne sais pas comment y remédier, mais je pense qu’il suffit d’expliquer aux étudiants que c’est une carrière en constante évolution. »
« J’ai décroché mon diplôme il y a environ cinq ou six ans. Une des premières choses qui m’ont frappé en arrivant, c’est l’importance que l’école accorde aux technologies informatiques, à la programmation et à l’aspect génie électrique. On avait un cours sur l’énergie qui portait essentiellement sur les moteurs, les transformateurs… tout était en quelque sorte rassemblé dans ce seul module. C’est en gros l’essentiel des échanges sur l’industrie de l’énergie, comme si c’était un secteur déjà bien établi, sans réelles nouveautés ni émergences. C’est comme si le message était : « Ah, tu veux bosser dans poste électrique ? »
Ce problème de perception nous fait perdre des talents. L’industrie électrique n’est pas simplement un héritage, c’est un pilier essentiel. Elle progresse aussi à grande vitesse, notamment dans la protection et le contrôle des postes, grâce aux relais numériques, à l’automatisation et aux opérations pilotées par les données. Il nous faut mieux structurer et transmettre cette narration.
Coincé dans une impasse
Un participant a résumé un sentiment que de nombreux acteurs du secteur de la protection et du contrôle reconnaîtront :
« Nous formons un petit groupe discret : nous répondons aux attentes de la NERC et de la FERC, tout le monde est satisfait, mais personne ne prête vraiment attention à nous. »
Les professionnels de la protection et du contrôle des postes électriques sont les héros méconnus de la fiabilité du réseau. Mais rester discret ne signifie pas passer inaperçu. Il nous revient de valoriser notre rôle, tant auprès des cadres dirigeants que de la future génération d’ingénieurs et de techniciens.
Regarder vers l’avenir
Les enjeux liés à la main-d’œuvre dans le secteur de la protection et du contrôle ne lui sont pas spécifiques, mais leur résolution revêt un caractère urgent. Comme l’a dit un participant :
« Avec les départs et les nouvelles embauches, c’est une opportunité pour approfondir l’aspect protection et contrôle (P&C) du métier. La technologie ne cesse d’évoluer. La manière dont nous opérons doit aussi évoluer pour accompagner les initiatives de protection et contrôle. »
Ce changement est déjà en cours. Des postes électriques simulés dans les universités au mentorat intégré sur le terrain, les bases d’une main-d’œuvre plus compétente et résiliente sont en train d’être solidement établies. Mais nous devons continuer à les nourrir par des investissements ciblés, des actions de sensibilisation structurées et une vision renforcée de nos objectifs.
Informations complémentaires :
- Publication originale dans le bulletin d’informations The Relay™. S’abonner sur LinkedIn.










